L’histoire de Forestville
Les Amérindiens ont fréquenté ce territoire pendant des milliers d’années avant l’arrivée des pêcheurs basques et des commerçants français. Pourtant, l’occupation permanente de l’embouchure de la Rivière du Sault aux Cochons ne débute vraiment qu’au siècle passé.
Reportage sur l’histoire de Forestville
Voici un reportage effectué par Mme Émilie Lavoie qui rencontre notre guide muséal M. Éric Lévesque et l’anthropologue et enseignant, M. Steve Dubeuil qui racontent à leur tour les débuts de Forestville.
Table des matières
- L’histoire de Forestville
- Reportage sur l’histoire de Forestville
- Table des matières
- Présence amérindienne
- Le Sault aux Cochons
- La rivière du Sault aux Cochons en 1844
- Jean-Raymond Tremblay
- La scierie Slevin
- La scierie Price
- Anglo-Canadian Pulp & Paper Mills Ltd
- Papeterie Reed inc.
- Daishowa
- Et maintenant…
Présence amérindienne
Selon les reconnaissances archéologiques, il faut remonter à quelques cinq mille ans pour retrouver une présence humaine dans le secteur. Les spécialistes distinguent deux grandes périodes d’occupation. La première, est celle de l’archaïque (de 5000 à 3000 ans avant aujourd’hui) la suivante est celle du sylvicole qui se prolonge jusqu’à l’arrivée des premiers Européens. Des groupes nomades fréquentent alors le littoral et utilisent des outils de pierre taillée.
Ils vivent de la cueillette des fruits et des mollusques ainsi que de pêche et de chasse. Ils utilisent les rivières comme voies de pénétration à l’intérieur du territoire vers des sites traditionnels de récolte. La venue au seizième siècle d’européens bouleverse tout littéralement le mode de vie des indigènes; des outils et des armes de métal (couteaux, marmites, aiguilles) deviennent soudainement de première nécessité, et la sollicitation par l’homme blanc, pour le «pelu» (le castor) se fait de plus en plus pressante, au point même d’épuiser certains territoires de trappe.
De plus, des fièvres et virus aussi anodins que ceux du rhume ou de la rougeole contractés lors de ces échanges déciment ces populations nomades; des clans entiers disparaissent sans laisser de traces. Ainsi au temps de la Nouvelle-France ce site qui avait probablement été le lieu de joyeuses retrouvailles, entre clans amis et parents, se trouva de plus en plus déserté. De plus, en raison de meilleures qualités de mouillage pour les navires français, des postes de traites sont implantés sur la Portneuf à l’ouest et aux Ilets-Jérémie à l’est y concentrant les commerçants et les chasseurs amérindiens. Ainsi, en 1872, un arpenteur du gouvernement rapporte dans son rapport la rencontre de «plusieurs familles d’indiens» à la rivière du Sault aux Cochons, et décrit leur sentier traditionnel.
«Je relevai le portage des indiens ainsi que les lacs qu’on rencontre sur son parcours… Ce sentier (…) tracé et fréquenté depuis des siècles, côtoie le flanc des montagnes, arrivant insensiblement sur les hauteurs, et de là fait les mêmes détours, pour descendre de l’autre coté, sans se fatiguer et allonger le chemin.»
Mais l’arrivée des travailleurs forestiers amena le retrait progressif des familles amérindiennes, qui en majorité se retrouvèrent dans la nouvelle réserve de Betsiamites, créée en 1860 à une quarantaine de kilomètres à l’est.
Le Sault aux Cochons
L’appellation Sault aux Cochons apparaît sur les cartes des années 1600 et plusieurs hypothèses s’y rattachent. Le « saut » rappelle évidemment les trois chutes de 6, 3, et 9 mètres situées à l’embouchure. Quant au « cochon » les historiens ne s’entendent pas sur sa signification; selon l’un d’eux, Louis-Ange Santerre, le terme fait référence à un compagnon de Champlain le capitaine Jean Cauchon; selon un autre Mgr. René Bélanger, il s’agirait d’un rocher particulier, ou encore selon d’autres, ce serait consécutif à la présence de marsouins, appelés cochons de mer à cette époque… D’autre sources avancent qu’en 1664 le site portait le nom amérindien de Kouakoueou en raison de la forme caractéristique de la dernière cascade de la rivière.
La rivière du Sault aux Cochons en 1844
Entité hydrographique de la Côte-Nord, la rivière du Sault aux Cochons naît dans le lac Breault, à 9 km au sud du réservoir Pipmuacan. Coulant en direction sud-est, elle forme un plan d’eau de 9 km² de superficie à mi-parcours, appelé le lac du Sault aux Cochons. Après avoir parcouru 159 km, elle déverse ses eaux au cœur de Forestville. Cette appellation existe depuis le XVIIe siècle puisque Louis Jolliet mentionnait dans ses écrits le «sault au Cochon». Elle rappelle la présence de marsouins, appelés cochons ou cochons de mer dans le langage populaire, à l’embouchure de la rivière. Ce toponyme identifie en plus une dizaine d’entités géographiques le long des rives du Saint-Laurent, visitées par les marsouins depuis des siècles. Le passage du singulier au pluriel a été constaté au début du XXe siècle; la forme plurielle a été reconnue officiellement en 1950.
La largeur de la rivière à son embouchure, est d’environ deux chaînes. Une très belle chute de 60 à 70 pieds de hauteur est accessible des deux cotés va être exploitée rapidement car le gouvernement a eu plusieurs demandes à ce sujet.
Jean-Raymond Tremblay
Si la colonisation est tardive, c’est que les commerçants de fourrures contrôlent en exclusivité le territoire jusqu’en octobre 1842. Ainsi en 1843, Jean Tremblay fils de Raymond, s’installe à Sault aux Cochons avec sa femme Josephte Dufour. Il y rencontre une forte opposition de la part de la Compagnie de la Baie d’Hudson, et Peter McCleod l’officier de cette dernière annonce même à ses patrons qu’il lui a brûlé sa maison.
«Au Sault aux Cochons, une maison a été bâtie par un canadien nommé Jean Tremblay dit Raymond qui, sous le voile de vouloir cultiver la terre, est en voie de se fixer là, où il a installé une pêche et pratique un commerce clandestin avec les indigènes, l’emplacement étant particulièrement avantageux pour les deux opérations».
Même si Mgr. Bélanger avance que cette maison aurait été située au fond de la baie Laval près du ruisseau qui porte aujourd’hui son nom, le rapport de l’arpenteur Georges Duberger à l’automne 1844 et une carte de 1881 confirme son emplacement à l’ouest de la Sault aux Cochons.
La scierie Slevin
Dès le départ de Jean Tremblay, une entreprise s’installe à l’embouchure de la rivière, à en croire un autre rapport de Georges Duberger.
«À mon retour vers La Malbaie, j’ai eu l’occasion de visiter les nouveaux établissements qui ont été mis en place durant l’été 1845. Sault aux Cochons et baie de Laval sont deux rivières sous licence dans les mains de M. Edward Slevin, un marchand des Éboulements et de son épouse Mary-Ann Nesbitt. À ces endroits, sont employés environ 100 hommes malgré le fait que pas plus du quart des billots permis sont coupés.»
Comme poursuit le rapport Duberger, les hommes de Slevin n’ont pu couper beaucoup de bois la première année car ils ont érigé plusieurs bâtiments, au nombre d’une quinzaine et situés du coté ouest de la rivière. Cela incluant des logis, un bureau, une cordonnerie, une forge et à l’embouchure un quai et une scierie. De plus, une maison et deux granges sont logées à l’embouchure de la rivière Laval. Selon Victor Tremblay les débuts furent difficiles; en 1847 suite à la rupture d’une estacade (boom) plus de 3000 billots furent perdus en mer, de telle sorte que seul un navire fut chargé.
À l’automne de la même année, deux hommes se noient en tentant de traverser un lac, tandis qu’un autre se fait écraser par un arbre. C’est probablement pour cette raison qu’en janvier 1849, Slevin cède toutes ses concessions à un autre entrepreneur forestier William Price. L’année 1847 n’apporta pas seulement que des malheurs; il y eût des événements heureux pour la petite communauté. En effet, le 25 avril, Louise Lévesque, l’épouse de Basile Lefebvre, dit Boulanger, donne naissance à un garçon, et le missionnaire de passage célèbre le mariage de Prudent Fournier et de Azéline Boulay.
Fin mars 1848, un arpenteur du gouvernement, D.-S. Ballantyne visite le secteur dans le but de tracer les limites du territoire. Il décrit, dans son rapport l’établissement de Sault au Cochon en ces termes; «Sur le lot B, à l’angle sud-est formé par la rivière du Sault aux Cochons à son embouchure, il y a les constructions suivantes : trois maisons, un corps de logis, une cordonnerie, un entrepôt, une boutique à bois, un magasin, une forge, deux écuries, une grange, une cave à patates, un moulin à scie, une écluse de 180 pieds de long par 20 de haut, un quai de 20 pieds de large, une estacade (boom) de 250 pieds de long, un lot défriché de quatre acres de terre arable. L’ensemble est évalué à 4000 livres sterling (19 440 $). Sur le lot E, coté sud-ouest de la rivière Laval, on retrouve : une maison, deux granges, des estacades, un défriché de six acres. L’évaluation s’élève à 500 livres (2 430 $) ».
L’approvisionnement devant être restreint sur place, Ballantyne note qu’il envoie un canot au poste de Portneuf pour lui rapporter du lard salé et de gros biscuits.
La scierie Price
Dans l’immédiat, l’arrivée de William Price explique l’installation à Sault aux Cochons, début 1849, d’un gérant Peter McDonald, alors âgé de 40 ans et d’un commis William Grant Forrest, 19 ans.
En 1850, sur un terrain cédé par Price, on construit, sur un emplacement au sud du lac, une chapelle de 30 pieds de longueur avec cimetière attenant, car selon le Père Charles Arnaud la population de près de cent personnes le justifie. En 1852, l’établissement compte 12 familles et 50 hommes en forêt. Malheureusement, en 1854, de mauvaises conditions économiques entraînent la fermeture du chantier; ne reste en place, qu’une seule famille, celle de Germain L’Italien, de son épouse Hélène Vallée et leurs trois enfants : Germain, Philomène et Lindlay. Un protestant dénommé Peter McDonald demeure aussi sur place, selon un compte-rendu du mois de mars 1857.
Il faut attendre la reprise économique de 1870 pour que les 3 fils Price relancent l’entreprise de Sault aux Cochons. Sous leur impulsion, l’ancien site reprend vie. Le village est baptisé Forrest-Ville en l’honneur de William Grant Forrest qui y revient à titre de gérant général. À l’été de 1872, il y préside à la réparation et à la construction de diverses bâtisses (restauration de la chapelle et construction de la maison du bourgeois, la maison Price, où il s’installe avec sa jeune épouse). Puis, les ouvriers profitent de l’hiver pour construire l’usine de sciage, alors qu’une trentaine de bûcherons sont envoyés à une vingtaine de milles en amont de la rivière, soit au secteur du lac de la Cassette.
Les billots sont dravés sur les crues de mai, et stockés en amont de la première chute. Celle-ci fournit l’énergie au moulin où les billes sont transformées en madriers et en planches. Des chalands ou goélettes permettent le chargement de grands voiliers océaniques qui viennent s’ancrer au large, avant de se diriger vers l’Angleterre. Rappelons que le contremaître général est Louis Harper un ingénieur forestier et que le forgeron est Didier Minier dit Lagacé… En 1873, le village de Forrest-Ville compte 24 familles pour quelques 160 employés, tandis qu’en 1881 le recensement indique 41 maisons pour plus de 250 personnes. Le 23 juillet 1883 Mgr. Bossé, préfet apostolique, vient pour la première fois en visite pastorale. Il bénit alors le mariage de Philippe Tremblay et de Hilda Coté. Il annonce aussi un don de 2 000 $ pour la chapelle. Le lendemain, partis en chaloupe pour les Mille Vaches, Ephrem Martel, Louis Tremblay, Alexandrienne Pinel et ses deux filles Cézania et Aglaé connaissent la mort par noyade; seuls les corps de deux hommes sont retrouvés. Le 23 août de l’année suivante Mgr. Bossé qui cumule alors les fonctions d’inspecteur d’école, décrit dans son rapport la situation scolaire à Sault aux Cochons «après une courte interruption, l’école a recommencé sous une institutrice qui me semble énergique et zélée. J’ai fait l’examen en juillet. Cinquante-deux enfants étaient présents, et encore on m’assure qu’un tiers des enfants d’âge scolaire n’y étaient pas. La maison d’école m’a paru insuffisamment éclairée et en besoin urgent de réparations. Ici, encore, la population est flottante.» En 1886 la paroisse Saint-Louis de Sault aux Cochons est créée et le premier prêtre résidant est l’abbé Joseph Alexandre Lafrance. Il sera en poste quatre ans et son successeur l’abbé Samuel Blanchard le sera jusqu’en 1894. Il faut dire que Grant Forrest, devenu veuf en 1892, supervise alors la fermeture de la scierie en 1895, avant son départ en 1896. Forrest-Ville a vécu; le feu détruit la chapelle et le presbytère; les autres bâtiments disparaissent les uns après les autres. Seule la maison Price reste debout, car on y installe la famille de Delphis Emond, le gardien du site abandonné.
Anglo-Canadian Pulp & Paper Mills Ltd
En 1925, les frères Frank et Walter Clarke, éditeurs canadiens déjà impliqués avec Lord Rothermere un investisseur britannique dans l’opération du site de la rivière Sainte-Marguerite près de Sept-Îles, incorporent une nouvelle compagnie l’Anglo-Canadian Pulp & Paper Mills Ltd.,et commencent la construction d’un usine de papier journal à Limoilou près de Québec. Ils concentrent leurs coupes vers les forêts de la rivière Montmorency jusqu’en 1937, alors qu’ils achètent les concessions de Sault aux Cochons, suite à la faillite des Price Brothers.
En 1937, les premiers ouvriers s’installent dans des bâtiments temporaires à l’embouchure de la rivière. Ils y rejoignent la famille de Jos-Louis Lévesque installée dans la maison Price depuis 1933, à titre de garde-feu. Une douzaine de maisons, un barrage sur la première chute sont érigés alors qu’on entreprend une première exploitation en amont. Les véritables travaux selon Paul Lapointe se situent en 1942 «…la construction du quai, du brise-lame, de la dalle humide, du «Staff-House», des travaux qui se continueront durant l’année suivante.
Le creusage du port se fait par la compagnie Porter & Sons de Montréal. Le système d’aqueduc avec réservoir est installé et le service d’électricité est fourni par moteur Diesel…» Avec la construction d’une piste d’atterrissage et d’un quai les communications avec l’extérieur sont facilitées; néanmoins, le manque d’accès routier oblige les entreprises et les résidants a prévoir toutes les denrées nécessaires en fonction des passages des bateaux de desserte.
Le 4 mai 1944, le gouvernement du Québec adopte le Bill privé 125 qui permet l’incorporation municipale de Forestville. Le conseil provisoire est formé par Messieurs Joseph-Edgard Lévesque, contremaître, Paul Lapointe, ingénieur forestier, Joseph Armand Cantin, agent aux achats et de deux dirigeants du bureau de Québec soit Edgar Porter, ingénieur forestier, et Archibald Campbell Butler surintendant. La municipalité obtient un statut particulier de Ville et les premières élections sont prévues pour «le premier jour juridique de février 1945».
En 1944 toute la nouvelle agglomération n’est qu’un vaste chantier : les premières rues se peuplent de maisonnettes, alors qu’apparaissent les premiers immeubles à logements. La compagnie construit ses bureaux et de vastes ateliers et entrepôts; elle se dote d’un moulin à scie avec «planeur» pour préparer le bois nécessaires aux diverses constructions, d’un atelier de menuiserie pour produire les portes et fenêtres, d’une équipe de plombiers et d’électriciens, d’une auberge privée, le «Staff House» et d’une maison pour les invités, «le Guest Lodge».
Un réservoir, le château d’eau, règle finalement les problèmes d’approvisionnement en eau, tandis que le Centre récréatif et un court de tennis forment les premiers équipements communautaires.
À l’automne de 1945, la création de la paroisse Saint-Luc de Forestville met en place une structure qui regroupe autant les employés de l’Anglo que les colons des environs. Dès sa nomination le curé Luc Sirois se lance dans les préparatifs de la construction d’une église. Cette dernière de style Dom Bellot démarre l’année suivante par l’érection du presbytère et du soubassement de l’édifice dans une première phase, alors que pour la seconde phase, les travaux ayant repris à l’été 1954 la bénédiction de la nouvelle église et de ses trois cloches se déroula le 21 août 1955.
Durant la même période, la jeune ville se dotait d’une grande école qui sera administrée par les Sœurs du Bon Conseil de Chicoutimi, et baptisée École Saint-Luc. Les années 1947 et 1948 auront présidé à l’installation d’un petit hôpital avec salle d’opération, services de radiologie et 5 lits. Le commerce se développe avec la venue de la chaîne Labrador Fisheries qui doit doubler la superficie de son magasin au bout de quelques mois pour répondre à la demande.
Enfin, l’inauguration de la première taverne en 1947 et l’installation l’année suivante d’une cinquantaine de maisons complètent le profil général de cette ville champignon.
En 1949, le curé Sirois recense un total de 265 familles pour 1430 personnes. Une moitié est établie dans la ville où l’Anglo engage en permanence une centaine de travailleurs dans ses bureaux et ses ateliers et comporte une trentaine de familles anglophones et protestantes. L’autre moitié se retrouve dans des sites entourant la ville et communément désigné «Forestville Nord» Cette communauté obtient cette même année son incorporation municipale sous le nom de Saint-Luc de Laval et Albert Cleary en est le premier maire.
De 1952 à 1959 Hydro Québec se lance dans le premier projet d’importance de sa jeune carrière soit la construction des centrales Bersimis 1 et 2 à une centaine de kilomètres au nord de Forestville. Cela implique la construction d’un nouveau quai de 120 mètres avec grues et silos à ciment, l’aménagement sur place d’une ville permanente, Labrieville avec tous les services : écoles, église, hôpital, etc. en plus de la construction d’une nouvelle route d’accès parallèle à celle de l’Anglo.
Tout au long des années 50, les deux municipalités profitent d’une croissance remarquable : la population de Forestville double en 10 ans passant de 709 habitants en 1951 à 1 529 en 1961. Pour la même période Saint-Luc voit tripler sa population qui passe de 701 à 2 112 personnes. Forestville devient une ville de transit importante pour les milliers de travailleurs des chantiers d’Hydro (presque 5 000 en 1954) et les 1 500 occasionnels de Anglo. En fait plusieurs entreprises de service se développent et profitent des millions de dollars gagnés par ces travailleurs. À partir de 1956 deux organismes vont faire parler d’eux; la Chambre de Commerce et la Caisse Populaire; ils seront partie tenante de bien des projets de développement.
Pour sa part, l’explosion de la clientèle scolaire, qui avait provoqué la construction de l’école Dominique Savio en 1953 se concrétise par son agrandissement en 1962. L’école Saint-Luc double de superficie en 1972 alors que Dominique Savio devenue polyvalente triple ses services. La même année les deux municipalités conjointement remplacent la patinoire extérieure par un aréna couvert avec glace artificielle, tandis que Saint-Luc afin de contrer la prolifération de maisons mobiles dans ses limites, procède à l’installation du Parc Vincent, qu’il devra d’ailleurs agrandir dès l’été 1973. La même année en février, l’Assemblée Nationale vote un budget temporaire pour la mise en place d’une nouvelle structure qui deviendra le premier CLSC de la province.
Les deux entités municipales doivent planifier et gérer cette croissance; ouvrir de nouvelles rues et offrir plus de services. D’autant plus qu’en septembre 1972 Hydro‑Québec les associe à son plan de fermeture de Labrieville et au déménagement de la population concernée. Suite à une entente paraphée le 18 juin 1973 commence l’épopée du déménagement des maisons de Labrieville et au déplacement de la plupart de ces duplex dans les limites de Saint-Luc et de Forestville. Depuis 1973 la Chambre de Commerce et sa créature la Corporation Industrielle prônent la fusion des deux municipalités. Une proposition de fusion volontaire est élaborée et, après les procédures ordinaires, en ces premiers jours de 1980, est proclamée la ville fusionnée.
Papeterie Reed inc.
Le 26 juillet 1975 l’Anglo passe à des intérêts américains et devient Papeterie Reed inc. Un programme de restauration des équipements s’enclenche et, l’été suivant, on procède à l’inauguration du camp La Loche, un camp moderne pour les 218 travailleurs de la division mécanisée. Dix-huit autres abatteuses Koering Harvester au coût de 270 000 $/pièce sont mises en opération à mesure que des opérateurs sont formés.
L’ère des coupes manuelles était révolue et le nombre d’emplois se mit à fondre comme neige au soleil. Devant l’érosion rapide des emplois, la municipalité et la Commission Industrielle mobilisent la population, engagent un commissaire, et multiplient les démarches et manifestations. En 1986 suite à des rebondissements dans le projet «usine de sciage» le Centre Sylvicole, un centre de production de semis forestiers voit le jour. Pour sa part, Scierie Forestville qui avait débuté son implantation au cours de l’été 1990 voit ses actifs passer aux mains de Scierie Haute-Côte-Nord durant les premiers mois de 1994.
Daishowa
La japonaise Daishowa qui a procédé à l’achat des actifs de Papeterie Reed en juin 1988, alors que le gouvernement du Québec instaure son nouveau régime forestier, se retrouve incapable de composer avec ces nouvelles règles. La compagnie amplifie sa rationalisation et les coupures d’emplois grimpent. L’exploitation locale de la ressource ligneuse, qui avait déjà fourni du travail à plus de deux mille hommes, en occupe à peine 200. La fin des opérations annoncée en avril 1992 entraîne une migration importante de la population.
L’implantation de Scierie Labrieville en 1994 et l’achat de l’usine locale par Kruger en 1998 sont venus contrôler, en partie, cette décroissance de l’économie locale. L’industrie touristique prend la relève, et de nouveaux services se concrétisent alors que des entreprises en place procèdent à l’augmentation et l’amélioration de leurs services. Les Galeries Forestville affichent complet, et certaines de leurs entreprises locataires procèdent à de l’expansion. Les anciens bureaux des compagnies sont devenus une coquette auberge et une table réputée, tandis que Le Motel Danube Bleu devenu ÉconoLodge procède à une restauration importante; deux dépanneurs ouvrent leurs portes dont un en service continu; deux chaînes de restauration rapide implantent leurs bannières; quatre entreprises spécialisées dans l’entretien de machineries lourdes démarrent ou prennent de l’expansion.
L’activité reprend au port avec la venue d’un traversier en liaison avec Rimouski, et le transbordement de sable, de sel, de pierre et de copeaux et résidus des usines de sciage. Ajoutons trois entreprises dédiées aux travaux sylvicoles; une coopérative de revalorisation de la biomasse, un centre de formation réputé à travers la province; trois centres de massothérapie; un marché Axep; un nouvel hebdomadaire le Journal Haute‑Côte-Nord; un nouveau bureau d’information touristique, etc. qui démontrent bien le courage et la détermination de notre population. Après avoir été mono industrielle pendant 50 ans notre communautés s’engage résolument sur la voie de la diversité et se donne les moyens d’une réussite certes amplement méritée.
Et maintenant…
Depuis la cessation de la drave sur la rivière du Sault au Cochon, il y a de moins en moins de billes de bois dans la Baie Verte; les citoyens commencent à découvrir le bord de mer, les sentiers pédestres et l’observation d’une faune et d’une flore plus que généreuses. Au quai, on ne charge plus de bois en bille, on le fait en copeaux, résidus des usines de sciage qui maintenant utilisent la ressource forestière.
En plus, on y charge du sable, une belle silice presque pure qu’on utilise pour préparer des bétons de hautes densités (le pont de la Confédération de l’Île-du-Prince-Édouard par exemple). Le tourisme commence à se développer et la venue d’un traversier avec la rive sud vient encourager les initiatives de plus en plus optimistes (Golf le Méandre). Aussi peut-on dire que cette merveilleuse baie continuera d’embellir le cœur de qui saura vraiment la contempler…